L'économe d'Ockham

faire le vide en côtoyant le néant

jeudi 17 octobre 2024

Analyse automatique des règlements d'urbanisme

À quoi ça sert, au juste, tout cet effort d’analyse des fichiers PDF? D’abord, bien sûr, ça facilite la recherche, telle qu’implémentée dans SÈRAFIM (un SystÈme de Recherche Ad-hoc pour Fouiller dans les Informations Municipales) puisqu’on est capable d’indexer chaque article et chapitre individuellement - on peut ainsi comparer les dispositions par rapport aux piétons dans l’aménagement des stationnements à travers quelques villes des Laurentides, par exemple.

Mais pas juste ça! Le fait d’avoir extrait les unités semantiques des règlements nous permet d’ajouter plusieurs fonctionnalités pour en faciliter la lecture et la compréhension, dont:

  1. L’ajout d’hyperliens. Par exemple, dans l’article 264 du règlement de zonage de Sainte-Adèle, on peut maintenant naviguer vers le règlement de construction cité là-dedans ainsi que l’article 251 sur les aménagements piétonniers.
  2. La navigation structurée en-ligne. Au lieu d’avoir besoin de télécharger le PDF pour trouver un chapitre ou section spécifique, on peut voir tous les règlements dans une arborescence et expansionner pour obtenir rapidement le contenu recherché. Des hyperliens vers la page spécifique du PDF sont aussi fournis.
  3. Mais surtout, ça nous permet d’utiliser… 🎉des grands modèles de langage🎆 (oui, ces célèbres patentes qu’on appelle à tort de l’intelligence artificielle) pour en faire des analyses automatiques, des résumés, et d’autres manipulations.

L’analyse spécifique qu’on en fera ici est une analyse du plus proche voisin qui nous permettra de faire de façon plus efficace une analyse du type mentionné ci-haut, c’est à dire, répondre à des questions du genre «comment se comparent les dispositions par rapport à l’aménagement des -stationnements entre Sainte-Adèle, Saint-Sauveur et Prévost». (si cela vous semble une question hautement inutile, vous n’êtes sûrement pas le public cible de ce blogue)

Pour ce faire, nous utiliserons la célèbre (ou pas) logithèque SentenceTransformers pour calculer des réprésentations vectorielles (embeddings) correspondant à chaque unité sémantique dans l’ensemble des règlements. Par la suite, on peut utiliser une multiplication matricielle très rapide pour obtenir les proches voisins de chaque élément (c’est à dire les articles semblables dans d’autres règlements ou d’autres villes). C’est vraiment très simple et efficace! Par contre, pour des très grands corpus de documents, il sera nécessaire d’utiliser un outil de référencement optimisé tel que FAISS ou RAGatouille.

Analyse et extraction du texte

Préalablement on aura téléchargé un ensemble de règlements avec ALEXI. Pour faciliter la chose on se limitera à trois règlements de zonage:

Les ayant téléchargés, on va les analyser avec ALEXI:

alexi extract *.pdf

Cela va prendre quelques minutes pour créer le répertoire export avec plein de fichiers HTML et JSON (si vous voulez avoir plus d’information sur ce qui se passe vous pouvez utiliser alexi -v extract *.pdf). Par exemple, on voit que tous les articles du règlement de zonage de Sainte-Adèle se trouvent maintenant sous export/Rgl-1314-2021-Z-en-vigueur-20240823/Article, chacun dans un répertoire avec un seul fichier index.html.

Le texte des unités sémantiques est maintenant converti d’une forme graphique (des PDF) vers une forme moyennement sémantique (du HTML). Ce qui nous intéresse, par contre, c’est le texte brut. On peut alors utiliser BeautifulSoup ou lxml pour l’extraire de nouveau et le passer dans le modèle SentenceTransformers:

from bs4 import BeautifulSoup

def get_text(path) -> str:
    with open(path) as infh:
        soup = BeautifulSoup(infh)
        return soup.article.text

articles = {path : get_text(path) for path
            in Path("export").glob("**/Article/*/*.html")}

Réprésentation vectorielle et proches voisins

Pour générer les réprésentations vectorielles (embeddings) il nous faut un modèle pré-entraîné. Il en existe plusieurs sur le site HuggingFace qui sont spécialisés pour le français, qu’on retrouve (avec plusieurs informations utiles sur leur performance) dans l’espace DécouvrIR. Pour notre démonstration on utilisera la variété le plus simple et rapide, un «Single-vector dense bi-encoder» de moins de 100M paramètres. En cochant les cases on trouve que le meilleur à date est biencoder-distilcamembert-mmarcoFR… on y va!

import sentence_transformers as st
model = st.SentenceTransformer("antoinelouis/biencoder-distilcamembert-mmarcoFR")

Il nous reste qu’à transformer (lolle) les textes extraits en vecteurs ou plus précisément en une matrice. Pour ce faire on va les énumérer et retenir les indices pour faire la correspondance entre documents et rangées de cette matrice:

artidx = {path: idx for idx, path in enumerate(articles)}
idxart = list(articles)

Par la suite on calcule les vecteurs:

embeddings = model.encode(list(articles.values()), convert_to_tensor=True,
                          show_progress_bar=True)

Sur une carte graphique GT1030, qu’on peut acheter usagée autour de 75 $, cela prend environ 30 secondes. Enfin, on utilise la fonction semantic_search pour trouver les plus proches voisins de chaque rangée de la matrice (c’est instantané):

neighbours = st.util.semantic_search(embeddings, embeddings, top_k=20)

Pour voir ce que cela donne pour l’article 264 mentionné ci-haut, on va trouver le vecteur correspondant à cet article, puis ensuite afficher les plus proches articles qui ne viennent pas du même règlement:

import textwrap
# la rangée qui correspond à l'article 264 du règlement 1314-2021-Z
srcpath = Path("export/Rgl-1314-2021-Z-en-vigueur-20240823/Article/264/index.html")
idx = artidx[srcpath]
for n in neighbours[idx][1:]:
    neighbour_idx = n["corpus_id"]
    dstpath = idxart[neighbour_idx]
    if dstpath.parts[1] == srcpath.parts[1]:
        continue
    print(idxart[neighbour_idx])
    print(textwrap.fill(articles[idxart[neighbour_idx]].strip()[0:250]), "...")
    print()

On voit que le modèle a bel et bien trouvé des articles pertinents:

export/RUD_T6_VR/Article/6.4.6.3/index.html
Article 6.4.6.3 Aménagement d’une aire de stationnement extérieure de
15 cases ou plus  En plus des dispositions de l’article précédent, les
dispositions suivantes s’appliquent à toute aire de stationnement de
15 cases ou plus. L’aménagement d’une ai ...

export/RUD_T6_VR/Article/6.4.6.4/index.html
Article 6.4.6.4 Aménagement d’une aire de stationnement extérieure de
100 cases ou plus  En plus des dispositions des articles précédents,
une aire de stationnement pour véhicule de 100 cases et plus doit
respecter les dispositions suivantes : 1° une ...

export/RUD_T6_VR/Article/6.4.9.1/index.html
Article 6.4.9.1 Nombre de cases de stationnement pour véhicule
automobile  Tous les usages principaux doivent disposer d’un
stationnement hors rue d’une capacité minimale et maximale conforme
aux dispositions du présent article. Cette exigence est co ...

export/RUD_T6_VR/Article/6.4.5.1/index.html
Article 6.4.5.1 Aménagement d’une aire de stationnement extérieure de
moins de 3 cases ou allée de stationnement  Une aire de stationnement
extérieure de moins de 3 cases ou une allée de stationnement doit
respecter les dispositions suivantes : 1° el ...

export/Reglement-2009-U53-fevrier-2024/Article/12.1.7/index.html
Article 12.1.7 Accès aux aires de stationnement  (modifié, règlement
numéro 2011-U53-18, entré en vigueur le 2011-07-21) (modifié,
règlement numéro 2011-U53-21, entré en vigueur le 2011-12-15) Toute
case de stationnement doit être implantée de telle ...

Ce qu’on voit aussi est que la plupart des articles les plus similaires viennent du règlement de Prévost. Ceci nous indique que le règlement de zonage de Prévost (2024) serait plus similaire à celui de Sainte-Adèle que celui de Sainte-Agathe (2009).

Recherche semantique

Bien sûr, rien nous empêche de comparer autre chose que des articles des règlements. On peut également convertir des questions ou d’autres documents en vecteurs. Si par exemple on voulait savoir quelles articles ressemblent aux normes proposées par le CRE Montréal pour le stationnement écoresponsable en matière de verdissement… on peut le faire! Il faut simplement télécharger et extraire le texte de cette page:

import requests
r = requests.get("https://reglementaction.com/verdissement-du-stationnement/")
soup = BeautifulSoup(r.content)

Puis le transformer avec le modèle et faire semantic_search sur les règlements:

tvec = model.encode(soup.text)
for n in st.util.semantic_search(tvec, embeddings)[0][0:4]:
    neighbour_idx = n["corpus_id"]
    score = n["score"]
    print(score, idxart[neighbour_idx])
    print(textwrap.fill(articles[idxart[neighbour_idx]].strip()[0:500]), "...")
    print()

Et on trouve des dispositions potentiellement intéressantes dans les règlements:

0.413027286529541 export/Rgl-1314-2021-Z-en-vigueur-20240823/Article/188/index.html
Article 188 Compensation de la surface végétalisée minimale par des
espaces de stationnements perméables  La surface d’une portion d’un
espace de stationnement situé à l’intérieur du périmètre urbain conçu
à l’aide de pavés alvéolés ou de gazon renforcé avec dalle alvéolée
peut être comptabilisée dans le calcul de la surface végétale minimale
par un ratio de 50% (exemple : 100 m2 de stationnement en dalle
alvéolé peut donc représenter un crédit de 50 m2 de surface
végétalisée). La surface ainsi ...

0.38985273241996765 export/Rgl-1314-2021-Z-en-vigueur-20240823/Article/267/index.html
Article 267 Ilot de verdure  Un espace de stationnement hors rue
extérieur comportant 20 cases ou plus doit être aménagé de façon à ce
que toute série de 20 cases de stationnement adjacentes soit isolée
par un îlot de verdure conforme aux dispositions suivantes : Un îlot
de verdure doit respecter les dimensions suivantes : une largeur
minimale de 2 mètres; une superficie minimale de 25 mètres carrés pour
les cases aménagées en rang double, soit dos-à-dos; une superficie
minimale de 13 mètres car ...

0.3851878046989441 export/RUD_T6_VR/Article/6.1.2.6/index.html
Article 6.1.2.6 Agrandissement majeur d’un bâtiment  Un agrandissement
majeur représentant 25 % ou plus de la superficie de plancher du
bâtiment principal, mais moins de 100 % de cette superficie peut être
réalisé malgré l’existence d’un aménagement d’une aire de
stationnement dérogatoire pourvu que les conditions suivantes soient
respectées : 1° dans le cas d’une aire de stationnement extérieure de
15 cases et plus, l’aire de stationnement doit être réaménagée de
manière à respecter les exigenc ...

0.3690324127674103 export/RUD_T6_VR/Article/6.4.4.1/index.html
Article 6.4.4.1 Revêtement d’une aire de stationnement  Une aire de
stationnement extérieure doit être recouverte par l’un des matériaux
de revêtement suivants qui peuvent être perméables ou non, le cas
échéant : 1° l’asphalte; 2° le béton; 3° le pavé d e béton; 4° le pavé
de béton avec alvéoles végétalisées ou remplies de poussières de roche
ou de pierres concassées. Une aire de stationnement située dans une
zone de type T1, T2 ou ZP.1 et ZP.3 peut être recouverte de gravier. ...

On peut également extraire les règlements modèles de la page et chercher les articles similaires (ce qui marche mieux lorsqu’on a une plus grande collection de règlements).

Conclusion

J’ai fait un survol très rapide de ce qu’on est capable de faire avec une extraction sémantique et structurée du texte d’un PDF de règlement, et comment c’est facile de faire des analyses en utilisant SentenceTransformers.

Dans des futurs billets on regardera l’agglomération des articles, la possibilité d’entraîner un modèle spécifique pour ce domaine, ainsi que la possibilité de faire une comparaison quantitative entre règlements pour des critères spécifiques par rapport à l’environnement.

mardi 15 octobre 2024

Notes sur l'extraction des PDF

Ce billet présente une module d’extraction d’information pour les règlements municipaux en format PDF, qui sert à alimenter un moteur de récherche. Il est la troisième partie d’une série de billets qui détaillent la conception et implémentation de celle-là.

Oui, ça fait longtemps depuis le dernier billet! Il y en aura un autre plus étoffé mais pour le moment je voulais juste ajouter quelques notes.

Au sujet du format PDF et de la structure logique

Bien que le format PDF soit utilisé très largement pour stocker, archiver, et distribuer des documents textuels, il est très important de comprendre qu’il est d’abord un format de présentation. Il n’y a aucune garantie que les objets textuels trouvées dans un PDF correspondent à des mots, phrases, ou alinéas d’une langue naturelle - par exemple, chaque caractère peut bien être représenté individuellement, ou des mots peuvent être scindés entre deux lignes, et ainsi de suite.

Par contre, il existe des fonctions dans le standard PDF qui permettent de superposer une structure logique par-dessus la présentation. C’est d’ailleurs ce qui permet un lecteur PDF de présenter une table des matières dans la barre latérale. Dans le cas où cette structure existe, on n’a qu’à l’utiliser… euh, non.

Le problème est, très évidemment, que rien n’oblige l’auteur d’un PDF ni son outil de réaction d’inclure cette structure logique, ni de la spécifier de façon prévisible et consistante. Par exemple, si on compare la structure (avec pdfplumber --structure-text ou pdfinfo -struct-text) des règlements 1314-2021-DM et 1328, on voit que les énumérations sont tantôt exprimées (correctement) avec des éléments LI, tantôt avec des éléments H5:

H5 (block)
  "5. Lorsque deux dispositions ou plus du présent règlement s’appliquent...
L (block):
   /ListNumbering /LowerAlpha
  LI (block)
    LBody (block)
      "a. La disposition particulière prévaut sur la disposition générale; "

ou avec des LI seulement:

P (block)
  "Les fins municipales pour lesquelles un immeuble peut être acquis par...
P (block)
  " "
L (block):
   /ListNumbering /Decimal
  LI (block)
    LBody (block)
      "1. Habitation; "

Si on regarde le règlement de zonage, c’est dix fois pire, tout se trouve dans des L imbriqués à perte de vue!

Aussi, une fois qu’on a compris et correctement interpreté le très compliqué standard pour indiquer la structure logique d’un PDF (ce que ne font que partiellement les logiciels libres de PDF, à moins qu’on ait le goût de s’inféoder à Adobe), il reste qu’on doit encore extraire et traiter le contenu.

Finalement, rien n’assure que la structure sera présent à travers multiples versions d’un document, puisque le fonctionnaire qui génère le PDF doit se rappeler de cocher la case “Tagged PDF” ou “PDF/UA” en le faisant et ne pas simplement “imprimer en format PDF”, et parce que des outils de manipulation de fichiers PDF ont tendance à omettre la structure lors des transformations.

Pour cette raison non seulement est-il impossible de se fier complètement à la structure logique d’un PDF, mais il est aussi dangereux même de l’utiliser pour alimenter un modèle probabilistique. La démarche plus robuste est d’entraîner deux modèles, l’un avec les traits structurels et l’autre sans, et choisir le plus approprié selon la présence de structure ou pas.

Annotation des données (la suite)

À date, je n’ai jamais réussi à trouver un logiciel libre potable pour faire l’annotation de séquences ou étendues de texte, peut-être parce que l’annotation est un marché très lucratif - sans annotation, il n’y a aucune « intelligence » artificielle après tout!

Le plus promettant qui existe est Doccano mais j’avais jugé qu’il prendrait trop de travail pour l’adapter au cas d’usage particulier pour quelques raisons:

  • Il est conçu pour annoter du texte brut ou des images individuelles. Soit on perdrait la mise en page, soit le travail deviendrait ardu à force d’annoter des centaines de pages individuellement.
  • Il faudrait convertir les données dans son format préféré puis reconvertir les annotations à la sortie pour les aligner sur les données extraites du PDF.
  • Son architecture est quand même assez complexe alors qu’on a vraiment juste besoin de mettre des catégories sur des lignes dans un fichier CSV…

Heureusement il existe un outil bien adapter pour l’annotation de CSV, qui s’appelle tantôt LibreOffice Calc, tantôt Microsoft Excel, blanc bonnet, bonnet blanc… ça marche vraiment très bien puisqu’il se rappelle des valeurs qu’on rentre dans une colonne, alors une fois les tags (étiquettes) rentrés on n’a que taper quelques lettres, puis on peut étendre une tag pour couvrir un segment entier de texte en glissant la souris, par exemple:

Annotation de CSV avec LibreOffice

Ce qu’il est important de comprendre, par contre, c’est que en tant qu’application de fiche de calcul, Calc (et Excel aussi) ont tendance a “interpreter” les données dans un CSV de façon inattendue. Alors, il faut absolument, lors de l’ouverture d’un fichier CSV, s’assurer dans le dialogue de conversion, que:

  • Le jeu de caractères est réglé sur “UTF-8”
  • Le type de colonne pour la colonne “text” est réglé à “Texte”

Pour ce faire, il faut dans le dialogue de conversion sélectionner la colonne en cliquant sur son titre:

Sélectionner une colonne lors de l’ouverture d’un CSV

Puis sélectionner “Texte” dans le menu d’options:

Sélectionner le type de colonne Texte

Annotation et Correction avec ALEXI

Avec ALEXI on peut générer un CSV de cette sorte pour une ou toutes les pages d’un PDF. Si par exemple, on voudrait adapter le modèle d’extraction au nouveau règlement d’urbanisme durable de la ville de Prévost, la procédure est:

  1. Télécharger le PDF (bien sûr) - par exemple (mon préféré) le titre 6: Mobilité durable et stationnement écologique.
  2. Extraire un CSV préliminaire avec alexi annotate RUD_T6_VR.pdf T6. Ceci créera les fichiers T6.pdf et T6.csv - le premier est une version du PDF original marqué avec des rectangles colorés pour les éléments (alinéas, titres, items) identifiés dans le texte, alors que le deuxième est la réprésentation CSV.
  3. Ouvrir le CSV dans un logiciel de fichier de calcul et corriger les annotations en suivant la démarche ci-haut.

Pour revoir l’effet de changer le CSV sur les annotations, il suffit de rouler de nouveau la commande alexi annotate mais avec le CSV corrigé: alexi annotate --csv T6.csv RUD_T6_VR T6. On peut également extraire le document avec les nouvelles annotations en utilisant alexi export -o T6-html T6.pdf puis voir le HTML extrait en partant de T6-html/index.html.

Dans un prochain billet, nous allons regarder le processus d’identification des éléments du texte ainsi que l’entraînement de modèles en intégrant les annotations corrigées.

mercredi 6 septembre 2023

Extraire la structure et le contenu d'un PDF

Ce billet présente une module d’extraction d’information pour les règlements municipaux en format PDF, qui sert à alimenter un moteur de récherche. Il est la deuxième partie d’une série de billets qui détailleront la conception et implémentation de celle-là.

Analyse d’un règlement

Comme déjà mentionné, on se concentrera d’abord sur l’analyse d’une sorte précise de document, les règlements d’urbanisme de la ville de Sainte-Adèle. Ces documents ont en théorie une structure bien définie et énoncée explicitement dans leur premier chapitre:

Structure d’un règlement!

Dans l’abstrait on peut alors considérer cela comme une instance d’analyse syntaxique. En partant d’un grammaire (essentiellement la rubrique ci-haut) il faut simplement trouver l’arborescence correspondant aux titres et textes dans un document spécifique. Comme on verra, il y a plusieurs détails qui rendent cela un peu plus compliqué mais c’est grosso modo la démarche à suivre.

On n’utilisera pas pour autant une logithèque existante d’analyse (parsing) puisque celles-ci sont habituellement conçues pour fonctionner au niveau des mots et sont limitées à des textes assez courts. À sa place, on passera par une phase d’analyse textuelle pour identifier les étendues de textes (titres, alinéas, etc) pertinentes, puis on construira par la suite l’arborescence avec quelque chose qui ressemble à l’analyse ascendante.

Au merveilleux pays des PDF

Comment alors identifier ces fameuses étendues de textes? C’est ici que ça se complique! Comme vous savez peut-être, le PDF est un format de présentation, c’est à dire que c’est la forme visuelle d’un document qui y est représentée et pas la forme textuelle. Un PDF (numérisé par exemple) peut même ne contenir aucun texte. Souvent, un PDF contient à la fois l’image numérisé du document et un texte “invisible” provenant d’une reconnaissance optique des caractères - c’est ce texte qu’on voit lorsqu’on fait un copier-coller d’un paragraphe. On peut le voir dans ce règlement par exemple.

On ne fera pas de OCR ici, on présume à la base qu’il existe une forme textuelle accessible dans les fichiers PDF. Ce n’est pourtant pas tout à fait simple d’extraire ce texte. Il en existe plusieurs logiciels libres plus ou moins performants, mais mon choix s’est arrêté sur pdfplumber, ce qui peut sembler illogique puisqu’il n’est pas le plus performant. Si vous voulez tout simplement extraire le texte en soi avec la plus de fidelité il est conseillé d’utiliser plutôt pypdf ou pypdfium2 qui fournissent des fonctions rapides et simples à utiliser. L’avantage de pdfplumber est que, en plus d’extraire le texte, celui-ci est relié à sa mise en page, qu’on utilisera pour mieux identifier les titres et faire le lien entre le texte et les images.

L’autre avantage est que le code source de pdfplumber est facilement compréhensible, ce qui nous permet d’y ajouter de la fonctionalité. Par exemple, ce n’est pas tout à fait vrai qu’il n’y a pas de structure logique dans un PDF - en fait, il peut y en avoir, mais encore, les autres logithèques ne permettent pas de facilement le mettre en relation avec le texte. J’ai fini par contribuer des fonctionalités qui le permettent, et qui se trouvent pour l’instant dans une version modifiée.

Chaîne de traitement

Comme est l’habitude des projets en traitement automatique de texte, le processus est décomposé dans une chaîne d’étapes successives (ou pipeline) qui rajoutent de l’analyse au texte brut. Ceci nous permet de tester et optimiser chaque sous-analyse séparément. Cette chaîne comprend, notamment:

  1. La conversion de PDF en séquence de mots, figures, et tableaux avec leur mise en page.
  2. La segmentation du flux de mots en blocs de texte (des titres, des alinéas, des listes et des tableaux).
  3. L’identification automatique des types de blocs.
  4. L’extraction de faits saillants du texte de chaque bloc (les numéros d’articles, sections et chapitres et les dates d’adoption de règlements)
  5. L’analyse syntaxique qui donne une structure textuelle.

On va se concentrer sur les trois premières fonctions pour le moment.

Annotation des données

Parce que les documents sont d’une taille assez importante et l’analyse en est de nature inexacte, il nous prend d’abord un sous-ensemble sur lequel on pourra en vérifier la précision en développant l’algorithme, puis un échantillon indépendant pour tester celui-ci afin de vérifier sa capacité de traiter des nouveaux documents. On est bien sûr dans une méthodologie typique de l’apprentissage automatique, mais même si on en utilise pas, on aura besoin d’un ensemble de données annotées.

Ceci nécessite qu’on définisse notre schéma d’annotation et les traits (features) d’entrée pour la chaîne de traitement. Ce qui nous fournisse pdfplumber est une liste de tous les caractères pour chaque page d’un document, avec leur positions, tailles, noms de police, et couleurs. Il est également possible d’extraire les mots d’un page (ou ce qui pourrait ressembler à des mots) avec la fonction extract_words. Pour le moment, on va utiliser extract_words au lieu de faire une tokenisation nous-même en partant des caractères, mais celle-ci est aussi une option à regarder afin de profiter de modèles du type Transformer tel que CamemBERT, qui agissent sur des sous-séquences de caractères plutôt que des mots complets.

Les traits tels que fournis par pdfplumber sont trop détaillés dans certains aspects, alors on en fera un post-traitement avant de les écrire dans des fichiers CSV. Ceci nous permettra d’en faire l’annotation tout simplement avec un logiciel de feuille de calcul, puisqu’il ne semble pas exister une meilleur solution à la fois libre d’accès et gratuit pour cette tâche. Puisque Excel et LibreOffice ont une fonction saisie automatique basée sur les autres valeurs d’une colonne, il est assez facile de rentre les annotations, puis de les « étirer » pour couvrir les mots adjacents.

Pour le schéma d’annotation, comme mentionné ci-haut, on se limite à des blocs de texte. Par contre, puisque l’identification sera faite sur ces mêmes blocs de texte, on peut aussi marquer le type de chaque bloc. Nous allons faire l’annotation dans le format IOB, c’est-à-dire, le premier mot de chaque bloc est marqué avec B- suivi par le type de bloc, les mots subséquents avec I- suivi par le type de bloc, et les mots à exclure complètement (il n’y en a pas beaucoup) avec O. Voir par exemple, un exemple de fichier CSV complété ici.

Les types de blocs annotés sont:

  • TOC: Les tableaux de matières sont marqués au complet avec cette annotation. Pour le moment, on va les ignorer et simplement extraire la structure du texte lui-même.
  • Titre: Les titres qui ne correspondent pas à un élément structurel spécifique sont marqués ainsi.
  • Chapitre, Section, SousSection, Article: pour les titres d’éléments spécifiques. Si nécessaire il est possible de les transformer en Titre pour évaluer la segmentation toute seule.
  • Alinea: Les alinéas sans mise en page particulière.
  • Liste: Les éléments de listes (soit des énumérations ou des définitions). Chaque élément est marqué avec son propre bloc (c’est à dire avec B-Liste au premier mot et I-Liste pour les subséquents)
  • Tete, Pied: Les en-têtes et pieds de pages. On ne les marque pas avec O tout simplement puisque, même s’ils ne font pas partie du texte, ils peuvent contenir des informations utiles et faciles d’identifier, comme le titre du document ou le chapitre.

Dès qu’un document (ou même une partie d’un document) est annoté, il est possible d’entraîner un modèle là-dessus et l’utiliser pour accélérer l’annotation des documents suivants. Le prochain billet décrira un peu plus en détail le processus d’annotation en utilisant les outils ALEXI.